Mon Corps, ta Voix et sa Pensée


Points de repère et scénario


Le texte ci-dessous fut publié dès la première représentation de la pièce, en octobre 1968, à Oran.


POINTS DE REPERE
pour
« Mon Corps, ta Voix et sa Pensée »
exercice dramatique

A travers les recherches scientifiques sur l'évolution de l'humanité, « Mon Corps, ta Voix et sa Pensée » montre, suivant une progression en périodes, comment les êtres humains ont acquis et développé progressivement et par de durs efforts, les trois composantes fondamentales de l'Art dramatique :

le corps humain
l'organe vocal et ses composantes
et les facultés intellectuelles

tels que nous les connaissons aujourd'hui.

Sur le thème de l'évolution de l'humanité depuis la Préhistoire, « Mon Corps, ta Voix et sa Pensée » s'attache à mettre en évidence, en lumière les richesses de l’être humain en possibilités d'expression et d'appréhension du monde où il vit.
        « Mon Corps, ta Voix et sa Pensée » montre :
     - comment la structure corporelle s'est améliorée progressivement : colonne vertébrale (axe du corps), membres, face, cerveau, cavités respiratoires, etc...
     - sur le plan vocal, le cheminement progressif des grognements aux signes vocaux, de la psalmodie magico-religieuse au verbe tragique, jusqu'au  langage tel que nous le connaissons aujourd'hui.
       - sur le plan intellectuel, l'apparition des images mentales, la naissance du rêve et de l'imagination, le développement de l'intelligence jusqu'à l'art élaboré et la pensée consciente et critique.
       « Mon Corps, ta Voix et sa Pensée » est aussi un exercice :
     sur le plan scénographique : l’œuvre est une recherche s'inspirant de la « halga » algérienne, forme scénographique du meddah des places publiques maghrébines.

« MON CORPS, TA VOIX ET SA PENSÉE »

Règles du jeu
        Scénographie
        Éclairages et costumes
       Construction du scénario et décors
       Brecht, Artaud et la société algérienne (ou la genèse théorique de « Mon Corps, ta Voix et sa Pensée »)
       Le public algérien et « Mon Corps... »
       Exercices de recherches dramatiques

REGLES DU JEU

Au début de la représentation, tous les acteurs, y compris les techniciens sont au milieu des spectateurs. L'un d'eux s'avance et dit :
       « Chers amies et amis, nous sommes là aujourd'hui pour participer TOUS, c'est-à-dire vous aussi, à un jeu; un jeu instructif car il a comme thème de montrer l'histoire de l'humanité depuis les premiers temps à l'apparition de Jésus. Vous pouvez, au cours du spectacle, parler, crier, entrer dans le jeu si vous en avez envie, danser avec nous ou chanter. Vous pouvez, vous avez le droit d’arrêter le cours de la représentation et critiquer. En un mot, vous êtes, dans ce lieu TOTALEMENT LIBRES de faire ce que vous voulez. Ce sont là les règles que nous avons prévues dans notre jeu de représentation de l'histoire de l'humanité. »

SCENOGRAPHIE (Voir croquis)



A. Projecteur mobile.
1. Petit arbre d'un mètre de hauteur avec lianes.
2. Symbole d'une caverne préhistorique, et “canoun”.
3. Pierres taillées.
4. Totem clanique et haches de guerre.
5. Peau de bête séchant au soleil, symbolisant l'autre clan.
6. Piédestal pour statue.
7. Roue d'esclaves.
8. Roche de Prométhée.

Comme siège pour les spectateurs sont proposés des chaises, des bancs et des lattes à même le sol pour ceux qui veulent s’asseoir par terre.

« Comme vous voyez, vous êtes, chers amis, assis tout autour de nous. Nous avons mis à votre disposition des chaises, des bancs et des lattes à même le sol. Vous pouvez même vous asseoir dans « le décor ». C'est selon vos goûts d'angles de vues différents pour voir la représentation. Considérez-vous sur une place publique : nous sommes les troubadours ou les « joueurs » et vous êtes des badauds. Et on passe un moment ensemble.
         Le théâtre est d'abord un JEU, instructif dans notre cas. »

COSTUMES ET ECLAIRAGES
        A l'exception des séquences :
        - de Prométhée Enchaîné, où Pouvoir et le Coryphée portent des chemises arabes traditionnelles, rappelant le drapé grec ;
        - de l'esclavage, où le gardien est coiffé d'un casque de soldat ;
        - de Jésus, où ce dernier est habillé d'une chemise arabe traditionnelle
toutes les autres séquences se jouent par des acteurs habillés d'une sorte de maillot de bain uniquement.

Éclairages :
        - projecteurs fixes
        - projecteurs mobiles (dont rôle plus important)
        - feu dans un récipient
       Remarque : les projecteurs mobiles seront, dans certaines circonstances, dirigés sur les spectateurs, dans un mouvement déterminé.

SCENARIO ET DECORS

1ère séquence :

- aucun décor, sinon le sol du lieu de représentation.
       - dans une lumière bleuâtre, on entend d'étranges cris et sons d'animaux préhistoriques. Puis doucement, paraît un grand animal, aux longues ailes (figuré par trois acteurs, ventre au sol, la tête de l'un entre les pieds de l'autre) qui marche dans la salle, en lâchant son souffle comme un dragon. Enfin apparaît une plante carnivore (un acteur reposant sur son cou, pieds et mains en l'air, en tentacules) à l'affût. Un instant après, un animal rappelant vaguement la démarche d'un crabe passe près de la plante. Bataille : l'animal réussit à s'échapper. Paraît une sorte de grenouille géante, croassant. Puis un long animal, poussant des glapissements aigus. Puis un autre tripède.
         Remarque :
       Tous les changements d'attitudes, par exemple passer de la représentation d'un animal à l'autre, ou d'une séquence à l'autre, se font sous les yeux des spectateurs. Absolument RIEN ne leur est dissimilé.
        Tous les animaux de la première séquence évoluent PARMI le public, entre ses jambes et tout près de lui.

2è séquence :

- un petit arbre symbolisant la forêt, avec des lianes.
        - De derrière les spectateurs, surgissent des hordes d'hommes préhistoriques, menton en pointe, chevelus.
       Ils se promènent parmi les spectateurs, les regardant, les touchant, comme si, pour ces ancêtres préhistoriques, ces êtres humains d'aujourd'hui étaient des bêtes curieuses. Les acteurs passent parmi tous les spectateurs, grognant, regardant les yeux mi-clos.
       Puis, ayant dégelé l'ambiance et créé une atmosphère de sympathie, les acteurs-hommes préhistoriques vont près de l'arbre, et se reposent.
      L'un d'eux monte au sommet de l'arbre et surveille l'horizon. Tout à coup il crie et s'agite ; il descend de l'arbre, suivi par le reste de la horde. Jusqu'au lieu où se trouve un animal. Bataille à mains nues entre l'animal et la horde. L'animal est tué et consommé sur le champ, à grands coups de mâchoires et de grognements.

3è séquence :

- Le petit arbre.
        - Les êtres humains préhistoriques prennent l'arbre, et marchent avec, pour montrer qu'ils sortent de la forêt et s'installent dans une clairière ou à l'orée de la forêt. Ils posent l'arbre un peu plus loin. L'un des hommes s'occupe de cueillette sur l'arbre ; un autre pêche dans le ruisseau symbolisé par deux traits de craie parallèles. D'autres vont, armés de coups de poing en pierre, à la chasse.
      L'homme près du ruisseau prend quelques poissons qu'il mange sur le champ. Arrive celui qui était à la chasse, traînant un animal tué qu'il laisse tomber près de l'arbre. Joie générale. Tout le monde se met autour de l'animal.
      Ils commencent d'abord à se sentir (UTILISATION DES SENS), à le goûter; chacun choisit enfin le morceau qui lui plaît et tous se mettent à manger.
      Rassasiés, ils vont dormir au pied de l'arbre. Ronflements rauques.
     Deux d'entre eux, au contraire, se livrent à des acrobaties, taquineries : les premiers moyens de communication inter-individuelles (expressions de visage, sons conventionnels, gesticulations).
      Soudain, ils lèvent les yeux au ciel, hument l'air, apeurés. Un instant plus tard éclate un violent orage.
     Terrorisés, tous fuient de tous les côtés, les projecteurs sont eux-mêmes affolés, se promenant partout, sur le plafond, sur les spectateurs, sur les acteurs. L'arbre tombe foudroyé. Les êtres humains préhistoriques, n'ayant pas d'issue, se terrent au sol, prosternés jusqu'à la fin de l'orage.
      Ils se lèvent alors, constatent les dégâts, toujours apeurés.

4è séquence :

- quelques morceaux de bois, mis ensemble, symbolisent l'entrée de deux cavernes.
       - C'est le matin. Un homme des cavernes sort de son trou de montagne et lance un long cri chaud et modulé. Ceux qui dorment encore dans leur caverne y répondent par le même cri et sortent.
     Ils s'étirent au soleil. L'un d'entre eux va réveiller une sorte de vache apprivoisée qui dort devant une caverne (ELEVAGE), en criant joyeusement le mot pas très distinct de « Hayawan », c'est-à-dire « Animal » (LANGAGE ARTICULE).
       Un autre appelle le premier en disant de la même façon, et en agitant un pieu destiné au travail de la terre (CULTURE DU SOL) : « Amal ! Amal ! », c'est-à-dire « Travail ! Travail ! » L'autre répond par le même mot. Et tous deux commencent à travailler la terre, près de leur caverne, en s'accompagnant du mot « A-mal ! » A un moment, l'un d'eux va boire de l'eau dans un récipient en fer. L'autre qui a soif aussi se met à énoncer : « Ma' ! Ma' ! » c'est-à-dire « Eau ! ». Et l'autre répète le même mot. Il lui donne à boire. Puis, les deux continuent à travailler jusqu'au soir.
       Ils reviennent à leur caverne. L'un va traire la vache (représentée par un acteur) ; l'autre se met à allumer un feu. Quand le feu est obtenu, joie générale, toute empreinte d'étonnement, de respect. Ce feu est installé à l'entrée de la caverne, et ils vont dormir.
       Instant de silence. Puis un anima vient rôder par là. Le feu l’arrête, il hésite et s'en va.

Rêves : Le premier homme rêve d'un accouplement sexuel avec une femme. On le voit courir, pris par le désir, haletant. Il trouve une femme et plonge sauvagement sur elle. Caresses, union, plaisirs, enfin séparation dans le calme reposant.
       Après, le deuxième rêve : l'autre homme se voit marchant dans la forêt en seigneur qui abat tout sur son chemin : animaux, lianes, arbres. Rêve de puissance et de domination de la nature.

5è séquence :

deux clans séparés. Le premier symbolisé par un petit totem fait en tronc d'arbre, bariolé de couleurs vives ; à ses pieds, un brasier. Le second clan symbolisé par une peau de bête séchant au soleil.

Travail langagier. Arrive près du totem le sorcier-prêtre du premier clan près du totem ; il s'assoit et commence à respirer lentement, gonflant ses cavités respiratoires. Après, doucement, lentement, il émet des sons tels que « OUUUU », « AAAAAA », et d'autres de nature et timbre différents. Il se met complètement dos au sol et continue ses modulations vocales.
        Soudain surgit un homme de la tribu, gesticulant, hurlant, dans une crise d'hystérie : « Hâââââârrb ! » hurle-t-il (« Guerre ! »). Silence. Puis, il montre le clan d'en face. Le couvre-chef militaire et politique se lève, va au totem et l'invoque en ces termes (traduction française de l'arabe)

Aââla Ssarout ! (Nom d'un dieu) Dieu de la Force !

Plusieurs fois. Instant. Alors qu'un autre membre de la tribu frappe sur un tambour, le prêtre hurle :

Ala Sarout est avec nous !

Et tous les membres de la tribu reprennent avec lui la même phrase, brandissant leur hache.
        Ils se dirigent en silence vers le clan ennemi où un homme s'occupe à travailler sa peau de bête. Paisiblement. Arrivés près de lui, hurlements. Et la bataille commence.
       Au ralenti, bataille. Se termine par la mort de l'homme du second clan. Butin (la peau de bête) est pris, l'homme vaincu bien achevé.
     De retour au clan, cérémonie de remerciements et d'offrandes au dieu. Tambour, les hommes de la tribu prosternés autour du totem, le prêtre psalmodie :

Aââââââlââââ Ssssarout, dieu de la Force
         Reçoit cette offrande
         Reçoit ce butin.

L'offrande est déposée au pied du totem. Le prêtre, un masque sur le visage, passe parmi le public en faisant certains signes magiques de la main. Et tout le clan sort.

6è séquence :

- décor : un podium blanc, socle de statue.
        - Séquence sur l'apparition de l'art élaboré consciemment, et l'apparition de la pensée réfléchie.
       Un acteur représente le buste d'un athlète sur le socle. Il est recouvert d'un drap blanc. Entre le sculpteur. Découvre la statue, la contemple un instant ; puis commence à travailler.
       Instant. Surgit un homme d'âge assez mûr, habillé d'un simple tonneau, tenant une lanterne allumée en main. Il se promène parmi le public, puis allant au sculpteur, le regarde faire.

SCULPTEUR : Que cherches-tu, ô homme, en plein jour, avec cette lanterne allumée ?
        L'HOMME : Je cherche la Vérité.

Le sculpteur hausse les épaules. L'homme va aux spectateurs et leur parle directement, répétant à chacun, EN ARABE ET EN FRANÇAIS :

Je cherche la Vérité.

Sans délaisser leurs réflexions qu'il enregistre.
        Après être passé parmi les spectateurs, il revient au sculpteur et lui dit :

Connais-toi toi-même !

Le sculpteur le regarde, puis lui rétorque la même phrase ; la statue s'éveille et rétorque la même phrase aux deux autres. Puis, tous les acteurs se répandent parmi les spectateurs, leur disant en arabe, en français, en anglais :

Connais-toi toi-même !

Ensuite, les acteurs, transformés en philosophes prêchant dans la rue, se retrouvent, se disent :

Le monde est une matière en perpétuel mouvement.

Et vont le dire parmi les spectateurs, le dire jusqu'à l'exaspération, presque la colère. Puis, regardant les spectateurs, ils sortent lentement de l'aire de jeu,

7è séquence :

- un pan de porte en bois, posé sur une table, symbolise la roche où sera enchaîné Prométhée.
       - Roulement continu de tambour , avec ponctuation métallique. Puis paraît Pouvoir, le signe du pouvoir de Zeus en main, suivi par Prométhée enchaîné, tenu par Force qui porte un lourd marteau sur l'épaule. Tous avancent, leurs pas rythmés par le bruitage sonore.
        Ils arrivent près de la roche, la contemplent, battus par les vents furieux (bruitage) de cet endroit le plus éloigné du monde.

Puis Pouvoir se tourne vers le public (traduction française)

POUVOIR :
        Nous voici parvenus dans une contrée lointaine
        Le pays des Scythes
       dans une contrée lointaine.
       Moi, Pouvoir, et toi, Force
       devons exécuter l'ordre de mon père :
        enchaîner ce chien sur une roche aiguisée
        avec de forts liens et des chaînes de fer
        car
        il a volé le feu à Zeus
        le feu, clé de toutes les sciences et des arts,
        et l'a donné aux mortels.
        Pour cela
        il doit payer aux dieux
       et apprendre à obéir à l'ordre de Zeus
       et ne plus aider l'humanité.

(à Force)

Enchaîne-le avec force
        sur cette haute roche,
        frappée par les tempêtes,
        avec des chaînes de fer ;
        entoure-les sur ses bras
       et frappe de toutes tes forces
       et cloue-le à la roche.
       Frappe plus fort,
       ne laisse aucun jeu.
       Maintenant, enfonce le fer
      dans sa poitrine
      et frappe fort.
      Maintenant, frappe fort
      et enfonce les chaînes dans ses chairs ;
      Celui qui jugera ton ouvrage
      est un dieu cruel.

Tout le travail se fait dans un vacarme affolant (bruitage).

FORCE :
        (ayant fini, à Pouvoir)
       Ton langage ressemble à ton visage.

Force et Pouvoir, après avoir regardé une dernière fois Prométhée enchaîné sur la roche, s'éloignent. Musique de flûte.
        Prométhée restant seul regarde les cieux. Puis, soudain, il leur lance dans un long cri de rage :

ZEEUUUUUUSS !

Aucune réponse. Deuxième cri. Rien.

LE CHOEUR :

O Prométhée
        Dis-nous tout
        et explique-nous pourquoi
        Zeus t'a traité
       de cette déshonorante manière
       terrible.

PROMETHEE :

(déclamation selon un mode grec antique)
        Quand Zeus monta sur le trône
        il distribua les richesses entre les petits dieux
        et répartit les pouvoirs dans son royaume.
        De l'humanité il ne se soucia guère.
        Il alla jusqu'à vouloir la supprimer totalement
        et en créer une nouvelle.
        Personne ne se leva contre cela sinon moi.
        Seul, je fus courageux. q1
        J'ai empêché que l'humanité tombe dans le gouffre.
        C'est là le pourquoi de mon supplice
       Et ma vue n'honore pas Zeus.

CHOEUR (chante) :
        Tout cœur pas fait
        de pierre ou de fer
        s'apitoie à ton supplice
        Et moi, mon cœur est lourd pour toi.

PROMETHEE :
        Mais, je vois l'envoyé de Zeus,

        le serviteur du tyran.

Apparaît Hermès, une flûte sur les lèvres, se dirigeant vers l'endroit où se trouve Prométhée, dans une démarche rapide et dansante. (Musique de flûte et de tambourins). Il arrive devant Prométhée et se dresse orgueilleusement.

HERMES :
        Alors, astucieux sophiste
        au cœur plein d'amertume !

PROMETHEE :
        Alors ! Est-ce que je te parais peureux
        et me cachant devant de petits dieux, trembler ?
        Vous avez besoin de beaucoup,
        vous avez besoin de tout
        pour que je tremble et me cache.
        Quant à toi, retourne sur le chemin qui t'a mené ici ;
       je ne te dirai rien de ce que Zeus ignore.

Hermès part, puis le Chœur.

8è séquence :

- une roue d'esclaves en bois.
        - Paraissent deux esclaves poussés par un soldat, sur la roue.

LE GARDIEN (gueulant comme un chien enragé)
        Allez, au travail, chiens !

Les deux esclaves sont enchaînés à la roue. Le gardien prend son fouet et commence à l'abattre sur eux suivant un certain rythme e en gueulant de temps à autre. Hurlements, visages congestionnés des esclaves, souffrances : toute l'expression vocale et corporelle doit montrer la cruauté de cet état gardien-esclaves. Sous les coups, un esclave tombe, mort ; le gardien s'acharne sur lui, puis s’arrête, se rendant compte qu'il est mort.

Immobilisation du jeu. Le deuxième esclave sort de ses chaînes qui le retiennent à la roue et va crier aux spectateurs :

Mââââââtt ! Mââââât ! (Il est mort !)

Puis il revient à la roue.
       Reprise du jeu. Le gardien, lui enfonçant le manche du fouet dans les côtes, lui ordonne de s’asseoir. Puis le gardien va se reposer. L'esclave attendra que le gardien dorme profondément, et, doucement, il se libère de ses chaînes et en étrangle le gardien, en hurlant :

Mââââââtt !

9è séquence :

- aucun décor spécial
        - apparaît un acteur, habillé d'une chemise arabe traditionnelle, en pleine extase, chantant, avec la ponctuation :

Je suis Dieu !...
        Je suis le Fils de Dieu !...

D'autres acteurs sortent de tous les coins pour le voir, l'écouter, le suivre. Jésus marche jusqu'au socle de la statue de la 6è séquence, y monte, contemple la foule, puis dit :

Je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée.
        Je suis venu séparer le fils et son père
        la fille et sa mère.
        Les gens seront ennemis dans leur propre famille.

Puis il continue son chemin, retombant dans son extase, reprenant :

Je suis Dieu !...
        Je suis le Fils de Dieu !...

suivi par ceux qui ont cru en ses paroles. Jésus va jusqu'au praticable qui symbolisait la roche de Prométhée, et qui symbolise maintenant le mont Golgotha. Jésus contemple la foule, puis s'adresse à elle :

Emparez-vous de mes ennemis et égorgez-les devant mes yeux.

La foule (les acteurs) foncent, armés d'épées imaginaires, dans les spectateurs, tuant, s'emparant d'ennemis imaginaires qu'ils égorgent. Cris, hurlements. Jésus reprend la même exhortation plusieurs fois.

Et soudain, dans une longue plainte, il lève les yeux vers le ciel :

Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

Les partisans de Jésus sont alors pris de stupeur. Puis, laissant tomber leur épée, ils se lamentent longuement, le visage caché dans les mains. Puis, les bourreaux, devenus victimes, joignent les mains et se dirigent vers le mont Golgotha, chantant la résignation, et s'agenouillent au pied de la croix de Jésus.
         La tête de Jésus retombe sur sa poitrine. Instant.
         Puis, signifiant l'envol de son âme, Jésus remue doucement les bras, pareils aux ailes d'un oiseau.

*